aurèce vettier, entité artistique fondée en 2019 par Paul Mouginot (né en 1990), incarne une tentative inédite de conjuguer intelligence artificielle, savoir-faire artisanal, introspection et héritage esthétique.
Né d’un algorithme générateur de mots, cet alias se veut à la fois une figure poétique, une identité fluide, et une métaphore d’une pratique résolument collaborative entre l’humain et la machine.
Dans le travail d’aurèce vettier, l’intelligence artificielle ne remplace pas l’artiste : elle l’assiste, elle l’inspire, elle ouvre un champ inépuisable de références visuelles et culturelles. L’artiste ne cherche pas à ajouter de l’abondance dans un contexte de suroffre mais interroge la capacité de ces outils à « digérer » de grands volumes d’information et à faire apparaitre ce qui est en filigrane. Tout comme les rêves sont une digestion du quotidien nous permettant de nous éveiller.
À la manière d’un atelier mental étendu, elle permet des repentirs infinis, des bifurcations continues, des retours en arrière que l’esprit seul ne saurait envisager. Chaque œuvre naît ainsi d’un processus rigoureusement technologique, mais dont le résultat semble mystérieusement empreint de la tradition classique, comme si les formes générées dialoguaient avec l’histoire de l’art.
Cette tension féconde entre la technologie et langage visuel ancien donne naissance à des objets d’une précision rare. Les matériaux sont choisis avec soin : huile sur toile, bronze, pierres fines, pigments naturels. Les techniques mobilisées sont maîtrisées dans leurs moindres détails, grâce à la collaboration avec des artisans d’art, qui traduisent le geste numérique dans la matière. L’espace numérique devient un atelier de formes, où les données se sculptent avant de trouver leur incarnation dans la matière.
L’univers d’aurèce vettier est traversé par une constante : la poésie. Qu’il s’agisse de générer des vers avec une IA ou de concevoir des Herbiers Potentiels, (séries de plantes fictives peintes ou fondues en bronze), chaque geste artistique est soutenu par une volonté d’émerveillement. L’art devient ici sujet à introspection, où chaque algorithme creuse non pas pour prédire, mais pour révéler. On ressent la sensation d’un temps suspendu, entre réminiscence et projection, où passé et avenir coexistent dans une même vibration.
Ce qui semble jaillir d’un lointain passé, formes végétales, références botaniques, iconographie sacrée, est en réalité le fruit d’une méthodologie profondément contemporaine, une « sur-nature ». C’est tout le paradoxe et la beauté du projet : faire surgir du code une émotion palpable, donner à voir une œuvre dont la surface semble familière mais dont l’origine est profondément étrangère à nos repères traditionnels. aurèce vettier poursuit ainsi sa recherche en assumant un geste minimal et obsessionnel : celui d’un va-et-vient permanent entre le monde réel et ses doubles numériques, entre mémoire collective et invention artificielle, entre maîtrise artisanale et souplesse des processus algorithmiques.
Le geste artisanal est ici central, non comme une nostalgie, mais comme un acte contemporain de résistance à la dématérialisation totale. Ce geste est aussi sensuel : dans la peinture, l’application de la matière devient une forme d’attention au monde, une manière d’inscrire la pensée dans une densité tactile. La matérialité de l’huile, sa capacité à durer dans le temps, contrastent volontairement avec l’éphémère du numérique.